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 Tirer la chasse, vite

Petite histoire de lobbying ordinaire : un amendement à vau-l’'eau

  • maribé
  • Vendredi 16/05/2008
  • 20:51
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Il était une fois un gentil député qui proposa une idée toute simple à
 ses collègues. Constatant que la sécheresse faisait jaunir les fanes
des radis dans les potagers ; que dans de nombreuses régions, l’été,
les restrictions d’eau empêchaient les conducteurs de nettoyer leur auto
le dimanche et de brancher le jet pour que les enfants s’'aspergent dans le jardin …

Patrick Beaudouin, maire de Saint-Mandé et député UMP du Val-de-Marne
déposa donc, le 8 décembre 2005 (j’ai calculé pour vous, ça fait déjà
deux ans et demi), une proposition de loi sur le bureau du président de
l’'Assemblée nationale. Une proposition bien modeste, ma foi, visant à «
encourager l'’installation de citernes d’eau de récupération des eaux de
pluie ». L’idée ne date pas d'’hier : l’eau de pluie qui ruisselle sur
le toit est recueillie dans une citerne, filtrée, et repart dans les
tuyaux de la maison. Évidemment, on ne peut pas la boire, mais on peut
l'utiliser pour arroser le jardin, remplir le réservoir des toilettes et
laver le linge. Cela permet d'économiser, mine de rien, jusqu’à 70 m3
d'eau par an et par famille. Et de réduire d’autant la facture d’eau.
Remarquons au passage que Patrick Beaudoin n’a rien inventé : en
Allemagne, ce genre d’'installation écolo est subventionnée depuis ... … 1986 !

Logiquement, sa proposition aurait dû finir au panier, comme l’'écrasante
majorité des idées déposées par les députés. Mais Patrick
Beaudouin, qui a de la suite dans les idées, revint à la charge et
proposa à nouveau son idée, sous forme d’'amendement lors du vote de la
loi sur l’'eau en 2006. Et là, miracle, l'amendement fut adopté à
l'unanimité par ses collègues, qui eurent la fugace impression, une fois
n’est pas coutume, de faire œuvre utile pour leurs concitoyens.
La loi sur l’'eau du 30 décembre 2006 prévoit donc un crédit d’impôt de 25% pour
les particuliers qui installent ce système.

Nous sommes en mai 2008. Question : si j'installe un récupérateur d’eau
de pluie dans ma cour, est-ce que je peux demander une ristourne sur mes
impôts ? Eh bien non ! Le décret d’'application de la loi n’est toujours
pas publié. Pas besoin de vous faire un dessin … « Un grand nombre de
personnes concernées par la réforme commencent à penser que ce retard
pourrait être dû au lobbying actif et efficace des compagnies de
traitement et de distribution d’'eau craignant la diminution de leurs
recettes » a osé Patrick Beaudouin, lors d’une séance de questions
orales, le 8 avril. L’eau, dans notre pays, est le domaine réservé de
trois puissantes firmes : Véolia, Suez et Saur, qui se donnent un mal
fou pour choyer les élus. Qu’'ont-elles fait ? D’abord, elles ont essayé
de mobiliser les sénateurs. En décembre 2006, les députés avaient voté
en première lecture un crédit d'’impôt de 40%. Les sénateurs, bien
briefés par les lobbyistes de l’eau, ont tenté de réduire ce cadeau
fiscal à 15%. Un compromis fut finalement trouvé à 25% en deuxième lecture.

Mais une fois la loi votée, que faire ? Bon sang, mais c’est bien sûr !
L’eau de pluie, c’est sale et ça donne des boutons ! Les « chargés de
relations institutionnelles » des compagnies d’eau se sont rappelés au
bon souvenir de leurs chers amis du Conseil supérieur d’hygiène
publique, une vénérable institution fondée au XIX ème siècle, qui
conseille le ministère de la Santé sur un certain nombre de questions
sensibles, comme l’eau et le nucléaire. Lequel conseil avait fort
opportunément remis un avis très négatif sur le dispositif, dès
septembre 2006. Bref, ils en ont fait des tonnes pour faire traîner les
choses en longueur.

Le gouvernement, par la voix d’Hubert Falco, a promis à Patrick
Beaudouin (« je comprends votre exaspération », lui a-t-il dit, plein de
compassion) que l’arrêté serait bientôt publié.

Chiche !



Glané par Maribé Durgeat
 

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