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 Mini-victoire pour un camp de Rroms

Tribunal de Grande Instance de Bobigny le 24/11/2009. 09h30

  • verdur
  • Vendredi 27/11/2009
  • 09:37
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Ca se passe en salle des référés n°3. Sur le parvis devant le hall se trouve Livia Otal, chargée de mission Rroms à Medecins du Monde, bientôt rejointe par une dizaine de personnes Rroms dont une femme et deux enfants. On trouve l'avocat Romuald Sayagh devant la salle. Il a été désigné au pied levé quelques jours plus tôt par Medecins du Monde, qui ne s'occupe pas des problèmes de justice normalement. Sauf que là c'est exceptionnel. Il s'agit des mêmes Rroms qui ont subi l'incendie de Bobigny où un enfant a péri, et qu'ils réussissent à suivre, en dépit des nombreuses expulsions (quatre) depuis un an et demi. L'objet du référé est de prononcer leur expulsion en urgence à la demande du propriétaire du terrain situé à Saint Ouen, l'Etat, représenté par le préfet de Seine Saint Denis. 
On voit défiler toutes sortes d'affaires opposant proprétaires et locataires, des héritières, des assureurs. Des plaidoieries plutôt feutrées en général, sauf quelques exceptions dues à des personnalités hautes en couleur, procédurières, et aussi aux enjeux qui pouvaient atteindre le million d'Euros, comme ce locataire de 5200 m2 depuis 2001.

Livia Otal peine à expliquer à nos voisins qui je suis et ce que je fais là. Ayant saisi quelques mots de roumain - qui sont les mêmes qu'en français ou en italien, je comprends qu'elle peine surtout à expliquer le concept d'écologie. Réalisant moi-même à ce moment-là l'ampleur de ses difficultés, je lui suggère de simplifier.
Elle se bornera donc à résumer que j'étais un militant politique qui leur apportait un soutien.

Le temps passe, heureusement que je n'avais rien sur le feu au travail. Un ou deux coups de fils. Voilà midi. Nos Rroms sont des anges de patience. Pas un mouvement, pas un souffle. Ils parlent entre-eux de temps en temps, calmement, échangent parfois des sourires avec les enfants ou avec nous. Pas une trace d'amertume, de tristesse ou d'énervement. Ce qui n'est pas notre cas. Les enfants de 5 et 7 ans n'ont pas bronché. Leur père les a emmenés une fois dehors et une fois aux toilettes. L'aîné a écrit une longue lettre à Livia écrite dans un mélange de  français, d'espagnol et de roumain. C'est la seule des dix personnes présentes à savoir lire et écrire.

J'apprends qu'il y a eu une naissance ce matin au camp, et qu'ils sont occupés à chercher un prénom. C'est un garçon. Livia m'explique qu'ils donnent généralement un prénom du pays de naissance de l'enfant. Qui est ainsi désigné  par la suite: l'Espagnol, le Français...  Ils ne sont pas rancuniers...
Chez eux c'est le groupe qui donne le prénom.

Notre cause finit par être appelée à 13h. 

L'avocate du préfet plaide. On le devine au fait de voir remuer sa tête devant la juge qui se penche vers elle comme pour recueillir une confidence. On ne l'entend pas. Pourtant on entend même le greffier chuchoter à côté. En effet, il s'est progressivement mis à parler tout seul depuis une bonne vingtaine de minutes.

Au tour de Maitre Sayagh dont la voix se distingue nettement parmi les nombreuses conversations qui se tiennent dans la salle d'audience. Progressivement sa plaidoireie domine le lot, on entend de plus en plus distinctement son argumentation: l'urgence n'est pas établie, pour un terrain qui n'est pas utilisé depuis des années. Le trouble à l'ordre public non plus, alors même que le trouble qui résulterait de l'expulsion, lui, serait certain. Il évoque le préjudice résultant d'une rupture de soins, la naissance de ce matin... Il demande le respect de la trêve hivernale, jusqu'au 31 mars.
La présidente est patriculièrement attentive, la salle presque recueillie, si ce n'est le va-et-vient avec l'extérieur.

Décision: elle sera rendue le 08 janvier. Une victoire en soi puisqu'il ne pourra pas être procédé à une explusion d'ici là. 
Peut-être un indice favorable: le caractère d'urgence plaidé par la préfecture n'a manifestement pas été retenu...

Les Rroms sont contents, ils remercient chaleureusement, tiennent à règler l'avocat sur le champ, et disparaissent.


Samy KHALDI


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