Ambitieux paquet de mesures du Grenelle de l’environnement s’est effiloché au fil du temps. Revue de détails des plus grosses pertes.
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L’ECO-REDEVANCE SUR LES CAMIONS
LE DEVELOPPEMENT MASSIF DE L’EOLIEN
L’ETIQUETAGE ENVIRONNEMENTAL DES PRODUITS
AGROCARBURANTS : UNE EXPERTISE « CONTRADICTOIRE »
CREATION D’UNE ORGANISATION MONDIALE DE L’ENVIRONNEMENT
LA REDUCTION DE LA TVA SUR LES PRODUITS VERTS
LA TAXATION SUR L’INCINERATION ET LES DECHARGES
Sans oublier
« Je m’engage à ce que la révision générale des prélèvements obligatoires se penche sur la création d’une “ taxe climat-énergie ” en contrepartie d’un allègement de la taxation du travail. » Nicolas Sarkozy, 25 octobre 2007, discours de clôture du Grenelle
Elle devait être son « abolition de la peine de mort ». La proposition phare du Pacte écologique de Nicolas Hulot, signée par le candidat Sarkozy en 2007, a pourtant bel et bien été exécutée. A petit feu. Première étape : la décapitation. Le 10 septembre 2009, Nicolas Sarkozy annonce une taxe débutant à 17 euros la tonne de CO2, contre les 32 euros préconisés par la commission Rocard. Mais à deux jours de son entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, le Conseil constitutionnel condamne la « Contribution Climat-Energie ». Motif : elle crée « une rupture de l’égalité devant l’impôt ». La taxe carbone est bien morte. Pour donner le change, le gouvernement promet un nouveau texte. Entrée en vigueur annoncée après les élections régionales. Deux jours avant celles-ci, Nicolas Sarkozy assure « prendre le temps de la concertation au plan européen comme national ». Il vient de sonner l’hallali. Une fois le scrutin passé, François Fillon achève la taxe carbone. « Nous voulons que les décisions soient prises en commun avec les autres pays européens », déclare le Premier ministre. A Bruxelles, toujours pas de taxe carbone à l’ordre du jour.
2/ L’ECO-REDEVANCE SUR LES CAMIONS
« Je propose que l’on taxe les poids lourds qui traversent la France et utilisent notre réseau routier. » Nicolas Sarkozy, 25 octobre 2007, discours de clôture du Grenelle
Selon la feuille de route initiale, l’éco-redevance poids lourds devait d’abord être expérimentée en Alsace, puis entrer en vigueur sur l’ensemble du territoire en janvier 2011. Mais le 19 avril 2010, le cabinet de Jean-Louis Borloo « confirme » sa mise en œuvre pour… 2012 ! La mesure phare du Grenelle I vient de caler à l’allumage. En cause : des retards dans le dialogue compétitif pour le choix de l’entreprise qui la collectera, une concertation avec les Conseils généraux non bouclée. L’expérimentation alsacienne étant désormais prévue pour le début de l’année 2012, le déploiement national est repoussé au second semestre, soit après l’élection présidentielle. Au mieux.
3/ LE DEVELOPPEMENT MASSIF DE L’EOLIEN
« Nous voulons faire de la France le leader des énergies renouvelables, au-delà même de l’objectif européen de 20 % de notre consommation d’énergie en 2020. » Nicolas Sarkozy, 25 octobre 2007, discours de clôture du Grenelle
Le parc éolien devait passer de 2 000 turbines à l’époque à 8 000 en 2020. Mais à l’Assemblée nationale, la mission d’information sur l’énergie éolienne présidée par le député UMP Patrick Ollier préconise, le 24 mars, que les projets de construction d’éoliennes soient soumis au régime des Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), comme le réclamaient les anti-éoliens. Et ce n’est pas tout : elles devront compter 5 mâts minimum, être implantées dans des zones prédéfinies au niveau régional, se trouver à 500 mètres au minimum des habitations et avoir un seuil minimum de puissance de 15 mégawatts par parc. Au moment du vote, le 11 mai, toutes les restrictions passent, sauf cette dernière. Pour les professionnels du secteur, cela remet en cause l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables en 2020.
4/ L’ETIQUETAGE ENVIRONNEMENTAL DES PRODUITS
« Développer l’étiquetage environnemental et social des produits » (Engagement n°201 du Grenelle)
« C’est un premier pas. Je veux aller plus loin », déclare Nicolas Sarkozy en clôture du Grenelle, le 25 octobre 2007. Et prenant à partie José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, il propose « de taxer les produits importés de pays qui ne respectent pas le protocole de Kyoto ». En avril 2010, le président français et Silvio Berlusconi, président du Conseil italien, font un courrier commun à la Commission réclamant l’étude « sans a priori » de cette taxe carbone aux frontières. Peine perdue. Bruxelles n’en fera rien, annonce quatre jours plus tard Karel de Gucht, le commissaire au Commerce international. En attendant l’étiquetage environnemental et social des produits a, lui, été renvoyé aux calendes vertes. L’article 85 du projet de loi Grenelle II prévoyait sa généralisation au 1er janvier 2011. Après le vote définitif du texte fin juin 2010, il ne restait plus qu’une expérimentation, d’une année minimum, prévue pour ne commencer qu’à partir de juillet 2011.
5/ AGROCARBURANTS : UNE EXPERTISE « CONTRADICTOIRE »
L’engagement n°58 du Grenelle de l’environnement préconise une « expertise exhaustive et contradictoire du bilan écologique et énergétique des agro/biocarburants de première génération ».
La version finale de cette étude ne sera publiée que deux ans et demi après la commande. Son caractère « exhaustif et contradictoire » fait défaut. Si l’étude admet que le « changement d’affectation des sols » peut rendre leur bilan négatif, elle conclut en faveur des agrocarburants.
« Il a été prévu, et donc on le fait, d’étendre [la taxe générale sur les activités polluantes] à un type de produits complémentaires, c’est-à-dire les assiettes et les couverts, en plastique ou en carton, non recyclables » Jean-Louis Borloo, sur RTL, le 15 septembre 2008
Problème : les députés UMP goûtent peu cette « taxe pique-nique » et le font illico savoir par voie de presse. Jean-Louis Borloo tente alors de calmer le jeu en parlant d’une « proposition encore à l’étude ». Plus pour longtemps. Car François Fillon l’a déjà enterrée. « Il n’y aura pas (…) de taxe pique-nique », déclare le Premier ministre, le 18 septembre. Le dernier coup de pelle revient au Président lui-même. A l’issue d’une « réunion d’arbitrage » convoquée à l’Elysée le 19 septembre, le bonus-malus automobile est maintenu, mais son élargissement à d’autres familles de produits reporté. Adieu la taxe pique-nique, promesse née et reniée en moins de cinq jours.
7/ CREATION D’UNE ORGANISATION MONDIALE DE L’ENVIRONNEMENT
« Lorsque nous serons parvenus, à Copenhague, à un accord ambitieux sur le climat, il faudra que soit créée une véritable Organisation mondiale de l’environnement en mesure de faire appliquer les engagements qui auront été pris. » Nicolas Sarkozy, le 19 juin 2009, à l’Organisation internationale du travail
Pas nouvelle, l’idée d’une agence internationale de l’environnement avait déjà été portée par Jacques Chirac. Le candidat Sarkozy fait figurer cette OME à son programme. Et une fois élu, il répète cette intention à plusieurs reprises : au G8 à l’Aquila, le 9 juillet 2009, puis lors d’une rencontre avec Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, quelques jours plus tard. Juste avant Copenhague, le 10 décembre, Nicolas Sarkozy promet même aux associations écologiques reçues à l’Elysée de s’engager « à mort » pour sa création. Et puis, Copenhague est un échec. Le 22 décembre, il confirme aux ONG son intention de porter l’idée d’une l’Organisation de l’environnement, européenne celle-là. Depuis, plus rien.
8/ LA REDUCTION DE LA TVA SUR LES PRODUITS VERTS
« Je demande, José Manuel [Barroso], la création d’une TVA à taux réduit sur tous les produits écologiques qui respectent le climat et la biodiversité » Nicolas Sarkozy, 25 octobre 2007, discours de clôture du Grenelle
Les voitures émettant moins de CO2, les matériaux isolants ou encore les ampoules et appareils électriques à faible consommation ne bénéficieront pas d’une TVA réduite à 5 %. La Commission européenne annonce, en mars 2009, qu’elle renonce à proposer cette réduction sur les « produits verts » dans l’Union, en raison de l’opposition de nombreux Etats.
9/ LA TAXATION SUR L’INCINERATION ET LES DECHARGES
« La priorité ne sera plus à l’incinération mais au recyclage des déchets. » Nicolas Sarkozy, 25 octobre 2007, discours de clôture du Grenelle
L’engagement 245 du Grenelle promet une « augmentation de la taxe sur les décharges (TGAP) et [la] création d’une taxe sur les incinérateurs ». Promesse tenue dans le projet de loi de Finances pour 2009. Mais le texte est détricoté par les parlementaires. Le Sénat réduit la facture pour les installations dites « exemplaires ». Les montants arrêtés par les groupes de travail du Grenelle sont également rabotés. Le ministère de l’Ecologie préconisait de taxer entre 10 et 20 euros la tonne incinérée. Après le vote de la loi, la fourchette devient de 1,5 à 7 euros la tonne, des taux devenus « trop faibles pour être réellement incitatifs », selon le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid). Et le 22 juin, le sénateur UMP Dominique Braye, président de la mission commune d’information sur les déchets et Daniel Soulage, rapporteur, sortent, en catimini, un rapport où il est clairement question de réhabiliter l’incinération, décrite, dès le sommaire, comme « une opportunité à saisir pour limiter les gaz à effet de serre ».
10/ PAS DE NOUVELLES AUTOROUTES
« Jean-Louis Borloo a annoncé au journal “Le Monde” la décision d’arrêter la construction d’autoroutes (sauf les contournements de ville). » Le Monde, le 24 octobre 2007, à l’ouverture de la table ronde finale du Grenelle de l’environnement.
Juillet 2010, le ministre de l’Ecologie en autorise trois nouvelles : l’A9 bis à Montpellier, la future autoroute entre Castres et Toulouse et la mise en concession de la RN154 entre Orléans et Dreux. Rien d’illégal. La loi Grenelle I n’interdit pas la construction de nouvelles autoroutes. Et les engagements gouvernementaux, sortis des tables rondes en octobre 2007, mentionnent seulement que « la capacité routière globale du pays ne doit plus augmenter sauf pour éliminer des points de congestion ou des problèmes de sécurité ». Des échappatoires suffisamment larges pour justifier tout nouveau projet. En octobre 2007, peu avant de confier au journal Le Monde la fin de l’ère du bitume, le ministre parlait pourtant d’un changement de « paradigme », afin que « la route et l’avion deviennent des solutions de dernier recours ».
Le Coup de rabot sur les crédits d’impôt
En ces temps de vaches maigres, les niches fiscales écolos ont aussi droit à leur coup de rabot. Le projet de loi de Finances 2011 prévoit ainsi une réduction de moitié du crédit d’impôt pour les particuliers sur l’équipement de panneaux photovoltaïques. Le taux devrait donc passer de 50 % à 25 %, mais cela dès le 29 septembre 2010 ! La loi devant être votée à la fin de l’année, la mesure serait rétroactive.L’entourloupe de la baisse des pesticides
Nicolas Sarkozy annonce « un plan pour réduire de 50 % l’usage des pesticides, dont la dangerosité est connue, si possible dans les dix ans qui viennent ». Il promet d’essayer, pas d’y parvenir. Ça tombe bien, le projet est mal engagé. Fin avril, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques met en garde contre une diminution « trop brutale »des pesticides. Et Bruno Lemaire, ministre de l’Agriculture, enfonce le clou dans Ouest-France, le 4 octobre : « Nous devons adapter un certain nombre d’objectifs qui ne sont pas atteignables. »La promesse ambiguë du nucléaire
« Même si je ne veux pas créer de nouveaux sites nucléaires, je sais que nous ne devons pas renoncer à cette énergie », prône le président, le 25 octobre 2007. Aujourd’hui, de nouvelles installations sont prévues sur des sites existants. Les centrales de Flamanville (Manche) et Penly (Seine-Maritime) accueilleront les nouveaux réacteurs concoctés par Areva, les fameux EPR. Un troisième, évoqué par Nicolas Sarkozy en janvier 2009, a été reporté au-delà de 2020.Janvier 2008. Alors que la crise s’emballe, Nicolas Sarkozy fait la moue. En pointant invariablement vers le beau fixe, le PIB a masqué la bulle spéculative et fourvoyé banques et Etats. Il faut repenser nos baromètres, se dit le président et « prendre en compte la qualité et non plus seulement la quantité ». Il promet alors de « réunir un groupe d’experts internationaux de très haut niveau pour réfléchir aux limites de notre comptabilité nationale ». Deux Nobels d’économie, Joseph Stiglitz et Armatya Sen, flanqués d’une vingtaine d’éminents spécialistes, sont lancés à la chasse aux nouveaux indicateurs de richesse. Dix-neuf mois plus tard, le panel accouche d’un rapport remis en grande pompe à la Sorbonne. Les auteurs y dissèquent les indicateurs alternatifs existants.
« Le rapport Stiglitz n’est pas resté dans les tiroirs », se félicite Jean Gadrey, professeur émérite d’économie à l’université de Lille 1 et membre du Forum pour d’autres indicateurs de richesse (Fair). En juillet, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a présenté une série de 15 indicateurs de développement durable. Ceux-là promettent de compter les matières consommées par les Français, les sorties du système scolaire ou la participation des femmes aux instances de gouvernance. Mais pour qu’ils deviennent références aux côtés du PIB, manque encore l’impulsion politique. En tout cas, « Nicolas Sarkozy a pris une décision que la gauche aurait dû prendre avant lui , poursuit Jean Gadrey. Mais dans ses discours, le président continue de parler invariablement croissance. C’est un peu schizophrène. »
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Alexis Prokopiev
Co-secrétaire des Verts Montreuil
www.verts-montreuil.fr
Blog perso : http://ap.ecopolit.eu